Voici quelques articles publiés, l'un le lendemain de la mort d’Emmanuel Mounier par Le Monde (23 Mars 1950), et 3 autres articles de Jacques Le Goff parus dans La Croix (30 Mars 2020) Esprit (Avril 2020) et Ouest-France (25 Avril 2020)
Le Monde
du 23 mars 1950
EMMANUEL MOUNIER EST MORT le 22 mars 1950
Emmanuel Mounier est mort subitement cette nuit, d'une défaillance cardiaque due au surmenage. Ainsi disparaît, à quarante-cinq ans seulement, un homme généreux et droit, dont la philosophie exigeante a exercé une grande attraction depuis bientôt vingt ans sur un large secteur de la pensée politique en France et dans plusieurs pays d'Europe ; son influence en effet a largement débordé le cadre du seul groupe Esprit pour toucher, avec plus ou moins d'efficacité, la plupart de ceux qui veulent concilier leur soif de justice sociale et leur souci de liberté spirituelle.
Reçu second en 1928 à l'agrégation de philosophie, Emmanuel Mounier n'entra jamais à l'Université et préféra se consacrer à rechercher une réponse à la crise que traverse notre civilisation ; partageant l'aspiration de la démocratie chrétienne à une synthèse des convictions religieuses et du sentiment socialiste, il lui reproche son manque de rigueur dans l'action comme dans la pensée. C'est alors qu'il fonde en 1932 la revue Esprit, dont il devait rester jusqu'à sa mort le directeur, à l'exception de la période 1941-1944, pendant laquelle Vichy en interdit la publication. Un réseau d'études clandestin fit alors la liaison entre les amis d'Esprit ; arrêté pour ses activités en janvier 1942, Emmanuel Mounier passa l'année en diverses prisons, d'où il fut relâché après une grève de la faim, en même temps que Bertie Albrecht.
Emmanuel Mounier laisse une œuvre importante, dans laquelle il a opposé à l'individu anonyme du XIXe siècle la personne vivant dans les communautés : citons en particulier la Pensée de Charles Péguy (1930), Révolution personnaliste et communautaire (1934), Manifeste au service du personnalisme (1936), Qu'est-ce que le personnalisme ? (1947), le Personnalisme (1950). On lui doit aussi un important Traité du caractère (1947), l'Affrontement chrétien (1944), Liberté sous condition (1946), et tout récemment encore la Petite Peur du XXe siècle.
Le nom d'Emmanuel Mounier restera sans doute le symbole du philosophe " engagé " ; familier des choix les plus difficiles, il s'y tenait avec obstination, s'efforçant toujours de trouver la vérité au milieu d'une incompréhension et d'attaques qui de tous côtés ne lut furent guère ménagées.
La Croix
lundi 30 mars 2020
Emmanuel Mounier, plus actuel que jamais
Jacques Le Goff
Professeur émérite des universités, président de l’Association des amis d’Emmanuel Mounier (1)
Le regretté Michel Serres comparait la crise actuelle à « une faille géante au niveau des plaques basses qui se meuvent lentement et cassent tout à coup dans les abysses tectoniques invisibles ». Ce serait, disait-il, une erreur d’en localiser l’épicentre en surface, dans le « visible » financier et économique. Il se situe bien plus profond, dans les valeurs d’orientation de la vie collective et dans l’erreur de « croire qu’une société ne vit que de pain et de jeux, d’économie et de spectacle, de pouvoir d’achat et de médias ». Une option aussi indigente expose fatalement à l’embardée majeure et à la déroute lorsque survient une crise de l’ampleur du coronavirus.
C’était déjà la conviction d’Emmanuel Mounier, le fondateur de la revue Esprit, prématurément disparu à 45 ans, il y a soixante-dix ans, le 22 mars 1950. Face à la crise de 1929, son analyse spectrale du désordre économique l’amenait à la conclusion d’une causalité d’ordre « spirituel » tenant aux choix anthropologiques à la base de la vie collective. Il répondait ainsi à une interrogation devenue la nôtre aujourd’hui : quel type d’existence individuelle et collective voulons-nous qui ne se réduise pas à la poursuite d’un « bonheur » identifié à la maximisation
du plaisir, de la puissance, de l’argent, du corps ou du confort ? D’où vient que les conditions d’accès au bien-être se soient retournées en fins tyranniques ? On s’avise, comme il y insistait, que « le bonheur ne suffit pas pour être heureux ». Un discours de « belle âme » dira-t-on, à grande distance du sort de ceux qui se débattent avec les rigueurs de l’existence ! Pas du tout. « Ne méprisent généralement l’économique que ceux qu’a cessé de harceler la névrose du pain quotidien », rappelle Emmanuel Mounier. Mais il ajoutait aussitôt : « Il n’en résulte pas que les valeurs économiques soient supérieures aux autres : le primat de l’économique est un désordre historique dont il faut sortir. » Le « désordre établi » résulte, à ses yeux, d’une erreur initiale sur l’homme, d’une terrible subversion dont il repère trois manifestations pathologiques.
L’autisme du marché qui, sous couvert de pseudo-neutralité morale, s’est érigé en timonier de la société par usurpation des fonctions de gouvernance. S’il lui revenait de contribuer à l’ajustement des flux, pourquoi donc ce moteur par nature aveugle a-t-il usurpé la conduite des affaires humaines, sinon par l’abdication du politique au niveau national et international et par la démission de la société ? Devenue bateau ivre, il ne faut pas s’étonner que « l’économie capitaliste tende à s’organiser tout entière, en dehors de la personne, sur une fin quantitative, impersonnelle et exclusive ». Privé d’une direction raisonnée et de refroidissement par le social, l’écologique, le culturel, l’éthique, c’est tout naturellement que ce moteur en est venu à s’ériger en instance suprême de sens au prix d’un non-sens ravageur hypothéquant désormais l’avenir même de la planète. « L’homme contemporain se croit absurde. Il n’est peut-être qu’insensé. » 2. Rien de plus révélateur du dérèglement que la tendance si générale à évacuer toute interrogation sur ce que Mounier nommait l’« ordre des besoins », sur le contenu de la richesse. Quels sont les besoins humains dont la satisfaction contribue à la réalisation de notre « vocation » dans une perspective d’accomplissement ? Drôle de question, dira-t-on !
En démocratie, ne revient-il pas à chacun de savoir où est son « bonheur » ? Et de quel droit une société s’attribuerait-elle compétence en un domaine qui relève de la libre disposition de chaque citoyen ?
Mais il ne s’agit pas de cela. Le souci de Mounier, comme plus tard ceux d’Illich, de Baudrillard, de Foucault ou de Rabhi, visait à briser la torpeur quiète qui nous fait prendre pour choix « libre » ce qui n’est, en réalité, qu’une normalité imposée par une mécanique folle jouant sur le double registre de la séduction et de la culpabilité.
Et cela au prix d’une course échevelée à des satisfactions toujours plus factices, et au prix de l’oubli des besoins hors marché, hors rapports monétaires : l’attention, la disponibilité, la qualité des relations interindividuelles et sociales, la présence et l’engagement dans la cité, autant de valeurs échappant à l’ordre du quantifiable et touchant à l’essentiel. La force de la réflexion du fondateur d’Esprit tient à sa capacité d’ébranlement et de dégrisement, pour s’arracher au rêve éveillé générateur d’inquiétude, de tension stérile, d’indisponibilité à autrui comme à soi-même, bref à l’aliénation, pour reprendre pied sur le granit de l’indispensable, sur le noyau dur de la personne où le « spirituel » véritable « infrastructure », dit-il, a son lieu. Sans point de vue extérieur au système, rien n’est possible. 3. C’est aussi la condition de libération vis-à-vis du travail.
D’où vient en effet le maintien de son emprise anormalement intense sur la société sinon, pour une part essentielle, de la spirale ascendante des besoins et désirs infinis ? « Travailler plus pour gagner plus » en est la maxime. Mais à quoi bon lorsque le niveau de vie atteint est satisfaisant ? « À quoi ça sert ? » disait Ellul. C’est tout le problème non de la frugalité mais de la modération des désirs matériels audelà d’un certain seuil. Mounier indiquait la direction. « Régler la consommation sur une éthique des besoins humains replacée dans la perspective totale de la personne. »
Ces propos datent de 1936. Leur pertinence n’a probablement jamais été aussi forte. Et, par son potentiel d’ébranlement intellectuel et sans doute spirituel, la crise sanitaire que nous traversons pourrait en amplifier l’urgence.
Esprit
Avril 2020
Emmanuel Mounier, notre contemporain
Jacques Le Goff
Lorsqu’Emmanuel Mounier meurt, il y a soixante-dix ans, le 22 mars 1950, à l’âge de quarante-cinq ans, s’interrompt brutalement l’oeuvre d’un des penseurs les plus marquants de la première moitié du xxe siècle auxquels sont attachés : une revue, Esprit, toujours influente quatre-vingt-huit ans après sa création, et une philosophie connue sous le nom de « personnalisme ». L’émotion est considérable et bien traduite par Jean Daniel, récemment disparu, dans un mot à Jean-Marie Domenach : « Je n’ai jamais eu l’occasion de vous dire ce que pouvait représenter Mounier pour moi et pour tout un groupe d’Alger. Je suis désarmé par l’accablante nouvelle de sa mort subite. » Même écho, chez tant d’autres comme René Cassin, le cardinal Gerlier, Louis Althusser, Jean Bazaine, Marc Chagall… Une cinquantaine d’articles dans la presse, des centaines de témoignages et puis, à partir des années 1970-1980, un relatif effacement pour des raisons qui tiennent autant à la fin du combat frontal entre les grands discours totalisants (marxisme, freudisme, existentialisme, personnalisme) qu’à l’étiquette « chrétienne » attachée à la philosophie personnaliste. S’y ajoute le doute instillé par des professionnels de la philosophie sur le statut proprement philosophique de cette pensée traversant « l’événement » érigé en « maître intérieur ».
Il se trouve que ces trois raisons manquent de bases sérieuses. D’abord, parce que le personnalisme n’a jamais eu la prétention de se placer au même niveau que l’existentialisme ou le marxisme. Comme l’a très bien relevé Jean Lacroix, le personnalisme fut une « anti-idéologie », une « matrice philosophique » opérant comme une inspiration commune à plusieurs courants de pensée. Ensuite, parce que si Mounier fut un chrétien « exemplaire », il a toujours refusé, comme son ami Ricoeur, l’appellation de « philosophe chrétien » par une allergie foncière à une confusion des ordres qui fera de lui un partisan très résolu de la laïcité, au point de proposer en 1949 l’intégration de l’enseignement privé à un service national de l’enseignement. Esprit frôlera d’ailleurs à deux reprises la mise à l’index. Enfin, sa philosophie, qui n’a rien d’une pensée de boudoir, porte très haut les exigences de l’esprit mais en plein vent de l’histoire.
Comment ne pas associer au nom de Mounier, ceux de Jacques Delors, Alfred Grosser, Alain Touraine, Michel Rocard… et tant d’autres, en France comme à l’étranger, qui en ont fait la pointe dure de la lutte contre l’injustice : en Amérique Latine par exemple (la théologie de la libération s’en est inspirée) et à l’Est du temps du communisme, du combat pour la liberté au nom de la personne ? Lors d’un passage à Paris, au début des années 1980, Lech Walesa tiendra à rendre visite à Esprit et à remercier la revue et la pensée de Mounier de leur soutien dans l’épreuve. Toutes ces personnes ont en commun d’avoir fait de la justice leur étoile du Nord. Comme eux, on ne relit pas, aujourd’hui encore, sans émotion les paroles frémissantes de révolte du premier éditorial d’Esprit en octobre 1932 : « C’est le cri que vous écouterez puisque la parole ne déchire plus les cieux et les coeurs […]. Entendez ces mille voix en déroute. Leur appel à l’esprit […] est plus âpre que l’angoisse. Il sort de la faim et de la soif, de la colère du sang, de la détresse du coeur : voilà le calme que nous vous apportons. » Mounier a alors vingt-sept ans. Dix-huit ans plus tard, à la veille de sa mort, l’indignation n’a pas faibli : « L’injustice ! Des milliers d’honnêtes gens l’ignorent en toute tranquillité […]. Nous hanterons leurs nuits, nos nuits de sa voix rauque. »
En des temps de flottement intellectuel et spirituel, le personnalisme demeure aujourd’hui encore une ressource de première grandeur à la fois pour alimenter les existences individuelles et collectives, et pour fonder philosophiquement une alternative à notre crise de civilisation sans doute plus radicale encore que celle des années 1930. La pensée de Mounier continue de s’offrir à nous comme une matrice d’inspirations centrée sur la personne dont l’une des meilleures approches est livrée dans un propos échangé avec Pierre Emmanuel en 1949, à la radio : « Il faut d’abord que chacun apprenne à se tenir debout tout seul. La personne, c’est la puissance d’affronter le monde, l’opinion, la lâcheté collective. C’est la capacité de faire silence, de se recueillir, d’alterner la vie intérieure et la vie exposée ; c’est le goût du risque, le courage intellectuel, l’irréductible assurance de celui qui sait pour quoi, éventuellement, mourir. » Tout est dit du mouvement qui la porte et la caractérise comme processus de construction jamais achevé, comme œuvre de personnalisation. Si chacun est une personne avec les droits qui s’y rattachent, il est encore plus juste de dire qu’il le devient en accord avec la formule socratique du « Deviens ce que tu es » par amplification. Comme le dira Elisabeth de Fontenay : « L’humanité est une tâche et non un donné. » Et le personnalisme se donne alors comme l’effort de repenser l’ensemble de l’existence individuelle et collective à partir de cette exigence à la fois dynamique et communautaire.
S’agissant de l’économie, l’originalité de Mounier fut, face à la crise de 1929, d’aller à ses causes les moins visibles, de descendre jusqu’à ce niveau infrastructurel de réalité où le « primat de l’argent » et du profit trouve sa clé explicative, le niveau des valeurs d’orientation, celui du « spirituel » à ses yeux déterminant comme il le dit dès son texte éditorial « Refaire la renaissance » de 1932 : « L’esprit seul est cause de tout ordre et de tout désordre, par son initiative ou son abandonnement. » Ce qui veut dire, en l’occurrence, que la crise de 1929 doit s’analyser comme le symptôme de la folie des hommes et d’un système qui a érigé l’intérêt individuel, le quant-à-soi et le chacun pour soi, en loi générant une lutte de tous contre tous, au prix de redoutables injustices et d’une règle pratique d’inhumanité. Tout commence par une « erreur sur l’homme ».
Au fond, ce que met en cause Mounier, c’est l’autonomisation de l’économie qui en est venue à se croire non seulement autosuffisante, sans extérieur, mais aussi régente de tout selon ses « lois » tyranniques de fonctionnement. D’où sa dénonciation de « l’importance exorbitante prise par le problème économique, signe d’une maladie sociale. L’organisme économique a brusquement proliféré à la fin du xviiie siècle et, comme un cancer, il a bouleversé ou étouffé le reste de l’organisme ». La « primauté du matériel » est constitutive d’un « désordre métaphysique et moral ». Et cela sur fond de la conviction que « l’économique ne peut se résoudre séparément du politique et du spirituel auxquels il est intrinsèquement subordonné et, dans l’état normal des choses, il n’est qu’un ensemble de basses-œuvres à leur service ». Et donc, la vraie question est bien celle du choix des valeurs fondatrices qui fixent l’horizon d’action et de sens en permettant à la collectivité de conserver la maîtrise selon des options avant tout politiques et spirituelles – on dirait aujourd’hui éthiques. Ce qui ne dispense en rien de l’analyse technique de la situation mais conduit à la replacer dans son véritable contexte d’interprétation. Or, à l’heure actuelle, de Joseph Stiglitz fustigeant la dictature de la « cupidité » à André Orléan selon qui « les grandes crises sont par nature matérielles et spirituelles », en passant par les mises en cause de « l’hyper capitalisme » (Alain Cotta) ou du « capitalisme total » (Jean Peyrelevade), les diagnostics convergent dans le sens que désignait Mounier et que résume bien Paul Jorion : « Le moment est venu pour la valeur [économique] de laisser la place aux valeurs. »
S’agissant de l’écologie, on ne s’attend pas à trouver chez Mounier de considérations sur cet objet, à l’époque peu considéré. Pourtant, on y découvre des réflexions susceptibles de fonder, en ce domaine aussi, une philosophie de l’action appuyée, d’abord, sur le souci de « rétablir cette première société de l’homme avec le monde physique ». « Nous ne retrouverons, poursuit Mounier, le sens de l’homme qu’en réapprenant le sens de l’univers. » Conséquemment, il lui paraît urgent de contenir la frénésie accapareuse qui gagne le monde sur la base d’une pensée nouvelle de la possession, non comme acte crispé de soustraction à autrui, mais comme partage. « Posséder, c’est entrer en contact, renoncer à être seul, passif. » « On ne possède que ce qu’on donne. » D’où son insistance sur le dépouillement et une certaine forme de pauvreté manifestée par une pensée nouvelle des besoins. Il parle d’une « généreuse simplicité », d’une « vie simple » tournée vers autre chose q u e « l’accroissement indéfini des besoins matériels qui étouffent la vie personnelle ». N’est-ce pas aujourd’hui l’un des plus grands défis avec celui de la maîtrise du temps ? C’est toute la question de l’abondance frugale, de la sobriété heureuse, sous l’horizon d’une société plus conviviale.
Ce qui suppose aussi de contenir les effets dissolvants de l’individualisme sur le vivre-ensemble. Mounier se montre impitoyable contre cette «métaphysique de la solitude intégrale, la seule qui nous reste quand nous avons perdu la vérité, le monde et la communauté des hommes ». Cette critique reste pertinente à l’heure où l’individu hypermoderne n’échange que sur le mode de la prudence, du contrôle et en réalité de la maîtrise. Comme le note Claudine Haroche, sous couvert de se fondre dans le réseau, il développe des « formes de propriété illimitée, de soi et des autres ». On pourrait parler d’un narcissisme de masse illustrant, par-delà les apparences conviviales et souriantes, cette « métaphysique de la solitude intégrale ». Seuls ensemble (2015), comme l’écrit Sherry Tuckle en prolongeant les intuitions de David Riesmann dans La foule solitaire.
Consolation : les enquêtes d’opinion sur le rapport des Français aux valeurs font apparaître en 2018 « une montée de la solidarité chez les jeunes sous l’effet de la crise ». L’enquête Valeurs montre qu’« au total, bien qu’on associe souvent la jeunesse à un individualisme exacerbé, les données montrent que les jeunes générations sont aujourd’hui tout aussi altruistes que les générations antérieures […]. Elles tendent ainsi à favoriser l’altruisme et la solidarité sur l’égoïsme car elles sont plus profondément attachées aux valeurs de justice et d’égalité ». C’est peut-être le signe de l’émergence d’un sens du commun et donc de la communauté plus intense.
Et nombre de rencontres avec des jeunes montrent l’intérêt qu’ils portent à la réflexion de Mounier comme aide à l’identification des vraies causes de leur mal-être. Ils ont une assez claire conscience de la superficialité et de « l’insoutenable légèreté » de leur mode de vie. Le bonheur auquel ils sont censés aspirer ne les comble nullement. Par conséquent, ils cherchent des issues, parfois désespérément dans des directions nouvelles dont celle du retour à certaines formes d’intériorité spirituelle et d’engagement. Tout ceci pourrait donner à penser que, comme il le disait à propos de Péguy, Mounier « n’est pas mort. Il est inachevé
Ouest France
25 Avril 2020
Jacques Le Goff
"Emmanuel Mounier , une pensée de notre temps"
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